Chapitre 6

 

 

Mon frère était possédé mais ce fait n’était pas connu de tous. D’après la version officielle, Raphael avait fui le corps de mon frère et était retourné dans le Royaume des démons pour ne jamais revenir. Comme j’aurais aimé que cela soit le cas !

Ce que cela impliquait d’un point de vue pratique, c’était qu’Andy se retrouvait sans emploi. Comme Dominic, il avait exercé le métier de pompier pendant sa période de possession. Il était également hôte depuis ses vingt et un ans, ce qui signifiait qu’il n’avait pas fini ses études et ne possédait pas de compétences professionnelles particulières. La Société de l’esprit lui verserait une pension pendant un ou deux ans. Mais Andy était encore jeune et les membres espéraient qu’il accepterait de redevenir un hôte. Dans le cas contraire, il devrait se débrouiller tout seul.

La pension ne lui suffisait pas pour vivre. Quand j’arrivai chez Andy, je le trouvai donc en train d’étudier les petites annonces du dimanche. Cette occupation était si typiquement humaine que je faillis presque oublier qu’il ne s’agissait pas du vrai Andy. Je secouai la tête pour me remettre les idées en place.

— Est-ce que tu vas vraiment chercher du travail ? demandai-je.

Il m’adressa un regard sardonique.

— Je dois gagner ma vie, tu sais. Ou préférerais-tu que je m’enracine dans cet appartement et que je passe le reste de ma vie à jacasser avec malveillance ?

J’aurais aimé imaginer un stratagème pour extirper cette sangsue du corps de mon frère. Raphael faisait malheureusement partie de la famille royale, c’était un démon à la force inhabituelle. Trop puissant pour que je puisse l’exorciser. Lugh aurait pu le vaincre, mais je devais le laisser prendre le contrôle pour avoir une chance d’y arriver et nous avions déjà déterminé que j’en étais incapable.

— Je te hais vraiment, tu sais, dis-je sur un ton irascible.

Raphael soupira, comme si je l’avais blessé.

— Je t’ai donné ma parole. Cette fois, je vais prendre soin d’Andy.

— Et tu t’attends que je te croie ?

Il secoua la tête.

— Je suppose que non. Mais je peux te dire en tout cas qu’Andy va bien. Nous ne nous apprécierons jamais, mais nous avons atteint ce qui ressemble à une sorte de trêve.

Il éclata subitement de rire, sans que je sache pourquoi.

— Qu’est-ce qui est si marrant ?

— Il teste les limites de cette trêve. Il veut que je te dise qu’il va bien. Il veut aussi que je te dise, je le cite : « Sors ce salopard de mon corps ! »

Comment aurais-je pu savoir si ce message émanait réellement d’Andy ou si Raphael essayait de me bouleverser ?

— J’y songe, frangin, répondis-je, juste au cas où il s’agissait bien d’un message d’Andy.

Bien sûr, je n’y songeais pas tant que ça. Non pas parce que je ne le voulais pas, mais parce que je n’avais aucune idée de la manière d’y parvenir.

À ma grande surprise, Raphael me tapota l’épaule.

— Si toi et moi parvenons à une trêve et si tu peux me trouver un nouvel hôte, je quitterai ton frère. Tu as ma promesse, peu importe ce que tu en penses.

Je réprimai aussitôt l’envie de lui dire exactement ce que je pensais de ses promesses, mais mon expression communiqua ma pensée sans ambiguïté. Raphael eut l’air déçu.

— Pourquoi es-tu venue ? demanda-t-il. Ce n’est sûrement pas pour le plaisir de me voir.

Sans doute aurais-je dû être plus gentille avec lui, puisque j’étais venue en quête d’informations… et tout particulièrement d’informations qu’il était peu enclin à livrer. Mais j’étais tout simplement incapable de gentillesse envers Raphael, qui était à l’origine de nombre de mes problèmes.

Au lieu de lui répondre, je m’assis sur le canapé du salon sans y être invitée. Puisqu’il vivait comme mon frère le bordélique, je dus repousser une pile de publicités et de vieux journaux pour me faire une place. J’avais bien fait de choisir une tenue qui me couvrait assez pour éviter que ma peau entre en contact avec le tissu taché.

— Fais comme chez toi, marmonna Raphael avant de prendre place sur une chaise longue à l’aspect tout aussi discutable.

Je décidai que nous en avions assez fait en matière de bavardages préliminaires, j’allai donc droit au but.

— Est-ce que le Cercle de guérison était le seul site où Dougal et toi jouiez à Dieu ?

Raphael cligna des yeux. Il ne s’attendait apparemment pas à cette question et il réfléchit longuement avant de se décider à répondre.

— Non.

Rien de plus. Je dus réprimer une bouffee d’impatience.

— Tu peux développer ?

— Y a-t-il quelque chose en particulier que tu souhaites savoir ou tu es juste à la pêche aux renseignements ?

— Tu as dit que tu voulais que nous fassions une trêve ? Alors pourquoi ne me parles-tu pas simplement ?

Il ferma les yeux et se frotta le crâne, l’air encore une fois étrangement humain, même pour moi qui aurait dû le voir autrement.

— Je sais que c’est complètement hors de question pour toi, mais si tu pouvais envisager de me laisser un peu en paix, j’apprécierais vraiment. Il y a certains sujets qui sont très difficiles à aborder pour moi.

— Je compatis vraiment.

Quand il ouvrit les yeux, j’y décelai un éclat sombre et inhumain avant qu’il parvienne à se contrôler. Je réprimai un frisson. J’étais certaine que Raphael me haïssait presque autant que je le haïssais et il n’était pas le genre d’ennemi qu’on pouvait souhaiter à son pire ennemi.

Il poussa un profond soupir pour relâcher la pression et, quand il parla de nouveau, sa voix était dépourvue de la colère qui couvait encore dans ses yeux.

— Je me fiche de ce que tu penses de moi. Et peu importe à quel point je souhaiterais qu’il en soit autrement, ce que Lugh pense compte pour moi. Je ne tiens pas à évoquer de choses qui terniront encore plus l’image qu’il a de ma personne.

Je crus lire une angoisse sincère sur son visage. Lugh et lui entretiennent des relations sacrément compliquées. Malgré tout, je ressentis une certaine pitié pour Raphael qui idolâtrait clairement son frère, mais qui était destiné à toujours le décevoir. Mais après tout, il payait les mauvais choix qu’il avait faits. Je me rappelai donc de ne pas être trop désolée pour lui.

— Je pense qu’il aurait une meilleure opinion si tu me racontais toute l’histoire plutôt que de refuser de te confier juste pour couvrir tes arrières.

— Je ne… (Il secoua la tête.) Oh et puis, à quoi bon ? marmonnait-il. (L’expression de son visage disparut pour faire place à un masque vide et impénétrable.) Nous avions plusieurs laboratoires dans tout le pays. Même avec notre considérable compréhension de la génétique et de la biologie humaines, ce que nous essayions de faire n’était pas simple. Il y a eu pas mal d’essais manqués et d’erreurs commises.

J’émis un reniflement de dégoût.

— Tu es en train de parler d’êtres humains, pas de rats de laboratoire.

Je m’attendais que mon intervention l’agace, mais son masque resta fermement en place.

— Certains d’entre eux n’étaient pas assez modifiés et on pouvait encore les qualifier d’humains. Sans aucun doute, ceux de la lignée de ton père ne l’étaient pas. Le fait que, à l’exception de ta mère, nous soyons incapables de les croiser avec des êtres humains… (Il dut se rendre compte sur quelle couche de glace fine il s’aventurait car il laissa mourir sa phrase.) Que veux-tu savoir exactement ?

— Aviez-vous un laboratoire à l’hôpital Haven de Houston ?

— Oui, bien que personnellement j’aie eu très peu à voir avec ce projet. (Je lui adressai un regard sceptique et il me répondit par un sourire un peu sinistre.) Tu le croirais si je te disais que j’ai peur de prendre l’avion ?

J’y songeai pendant une minute et me rendis compte que oui. Les avions ne s’écrasent pas tous les jours, mais quand une telle catastrophe se produit, c’est toujours dans une grosse explosion… et dans le feu. Beaucoup de démons légaux étaient pompiers mais leur force surhumaine et leur capacité de guérison ne pouvaient les préserver des situations, les plus instables. Ce qui était le cas des explosions impliquant du gasoil pour avion. On pense qu’environ vingt-cinq démons sont morts le 11 septembre, non pas dans l’effondrement des tours – qui tua un grand nombre d’hôtes, expédiant leurs démons au Royaume des démons – mais au cours de leurs tentatives héroïques d’entrer dans le feu.

— Mais même si tu ne t’y trouvais pas en personne, tu savais ce qui s’y passait, dis-je en chassant mes pensées morbides.

Il haussa les épaules.

— Leur objectif était similaire à celui des laboratoires du Cercle de guérison, bien qu’ils aient eu une approche différente. Le Cercle de guérison travaillait pour accroître la force et la durée de vie de leurs sujets. Les laboratoires de Houston œuvraient à augmenter la malléabilité de la chair humaine.

— Quoi ?

— Nous voulions des hôtes plus forts et qui guérissent plus vite.

J’étais sur le point de protester, mais il leva la main pour que je garde le silence.

— Oui, nous pouvons guérir nos hôtes très rapidement par rapport aux standards humains. Mais nos hôtes peuvent toujours mourir de leurs blessures et nous sommes alors renvoyés au Royaume des démons avant d’y être prêts. Nous voulions créer des hôtes dont la chair puisse être suffisamment manipulée pour guérir rapidement, même de blessures catastrophiques. Je sais que je ne peux pas espérer que tu approuves nos recherches, mais celles-ci bénéficiaient vraiment à nos sujets.

Je ricanai.

— Vos sujets qui étaient retenus prisonniers pendant toute leur vie avant d’être tués quand ils n’étaient plus utiles.

Il n’eut rien à répondre à cette accusation.

— Pourquoi t’intéresses-tu subitement au projet Haven ?

Je réfléchis à la nature des informations que je pouvais lui révéler, puis je décidai que si j’attendais de lui qu’il me parle, j’allais devoir me comporter honnêtement et parler aussi. Je lui racontai donc les détails de l’affaire Tommy Brewster tout en scrutant son visage en quête de la moindre réaction.

Quand j’eus fini, il resta silencieux un long moment. Je n’aurais su dire à quoi il pensait.

— Eh bien ? le pressai-je finalement, quand j’en eus assez d’attendre.

Il cligna des yeux comme s’il venait de parcourir des kilomètres dans sa tête.

— D’après ce que tu en dis, il y a de fortes chances qu’il soit un produit du projet Haven, mais comment en être sûr ?

— Et comment expliquerais-tu ce brusque changement d’avis ? Pourquoi a-t-il quitté Colère de Dieu pour devenir un hôte légal ?

Raphael haussa les épaules. À son expression, je compris à quel point cela importait peu pour lui.

— Je suis assez d’accord avec la théorie d’Adam comme quoi Sammy était possédé, du moins jusqu’à ce qu’on prouve le contraire. Mais tu sais, même si ce puzzle te semble fascinant, dans le grand ordre des choses, ce n’est pas très important.

Ouais, c’était bien Raphael qui parlait, la compassion incarnée.

— C’est important pour les Brewster.

— J’en suis sûr, mais cela ne veut pas dire que ça doit l’être pour toi.

— Tu n’as pas à me dire ce qui compte pour moi, répondis-je en serrant les dents.

Il roula les yeux, l’air exaspéré.

— Très bien. Désolé de m’être permis de rappeler à l’hôte du roi des démons qu’elle avait des choses plus importantes à faire que jouer au détective.

Je suis d’ordinaire la reine du sarcasme, mais je n’apprécie pas d’être visée.

— Qu’est-ce que tu dirais d’une décharge de 50 000 volts dans le corps ? demandai-je, même si je me retenais vraiment de dégainer le Taser.

J’étais assise trop près de Raphael et il aurait été sur moi avant même que je mette la main sur ce fichu engin.

Ses narines se dilatèrent.

— La prochaine fois que tu me tires dessus au Taser, souviens-toi que tu tires également sur Andrew. Je peux te promettre que je ne le protégerai pas.

Je poussai un grognement de rage. Raphael éclata d’un rire plus amer que véritablement amusé.

— À quoi ça sert d’avoir un otage si on ne s’en sert pas, hein ?

Je serrai les mains en poings, mais l’émotion qui oppressait ma poitrine relevait plus du chagrin que de la colère. Tant de gens avaient déjà souffert à cause de moi.

Raphael soupira et sa voix s’adoucit.

— Je ne menace pas vraiment de faire du mal à Andrew, dit-il. J’essaie juste de te décourager de me faire du mal à moi. Tu peux sûrement comprendre ?

Comprendre ? Peut-être. Pardonner ? Jamais de la vie !

— N’essaie pas de me donner des ordres, dis-je tout en ayant l’air vaincue. Si je veux enquêter sur l’affaire Brewster, ce sont mes oignons, pas les tiens.

— Je te suggère juste d’être raisonnable. Réfléchis-y ! Même si tu découvres ce qui s’est exactement passé, du point de vue de la justice, Brewster est un hôte légal. Les chances que tu rassembles assez de preuves pour démontrer le contraire sont très minces.

Il suffisait de me dire que je n’y arriverais pas pour que je sois déterminée à démontrer le contraire.

— Je trouverai un moyen, dis-je en le pensant sincèrement.

Raphael balaya mon affirmation d’un geste de la main.

— Non, tu n’y arriveras pas. Mais on a assez discuté pour aujourd’hui, tu ne crois pas ?

— Très bien.

Je me levai et fis trois pas vers la porte quand Raphael me retint.

— Il y a autre chose dont j’aimerais bien te parler.

Mon intuition me hurlait de me casser de cet appartement maintenant que j’avais tiré ce que je pouvais de lui, mais je luttai contre elle. Je n’étais toujours pas convaincue que Raphael était bien dans notre camp, mais je ne pouvais nier qu’il jouait un rôle important dans cette guerre mortelle de succession. Et s’il souhaitait pour une fois divulguer des informations, il m’incombait de l’écouter.

Je me contraignis à revenir m’asseoir.

— Je suis toute ouïe, dis-je, ma voix aussi cassante que du verre brisé.

— J’aimerais que tu laisses Lugh prendre le contrôle afin que je puisse parler directement à mon frère, déclara Raphael.

— Ça ne risque pas d’arriver, ricanai-je.

Lugh était assez en rogne contre moi pour me poignarder l’œil, mais cela n’aida pas à me convaincre.

— Je m’en doutais.

L’expression de Raphael changea, le vide maîtrisé disparaissant pour faire place à un sourire malicieux.

— Je suppose qu’il y a certains avantages au fait de pouvoir lui parler sans qu’il soit capable de me répondre.

Mes lèvres commencèrent à se courber en un sourire que je figeai aussitôt. Je ne permettrais pas à Raphael de me déstabiliser.

— Alors de quoi désires-tu tant parler avec lui ?

Raphael s’enfonça dans le canapé. La bonne humeur avait disparu de son visage.

— Je me demande s’il avait élaboré quelque chose qui ressemble un tant soit peu à un plan.

— S’il l’avait fait, je ne pense pas qu’il t’en parlerait.

Raphael ne tint pas compte de mon commentaire.

— Dougal va continuer à lancer ses partisans à tes trousses. Il se peut qu’il ne sache pas que tu héberges toujours mon frère mais, d’après ce qu’il sait, tu connais l’identité de l’hôte actuel de Lugh.

— Grâce à toi, fis-je remarquer.

Bien entendu, je devais admettre qu’à l’époque où Raphael avait infiltré le complot de Dougal, il n’avait pas eu d’autre solution que de donner à Dougal le nom de l’hôte dans lequel il avait invoqué Lugh. Mais ce n’est pas parce que je le comprenais que je devais l’admettre devant Raphael.

Il accusa réception de ma remarque avec un regard mauvais.

— Nous serons peut-être capables de protéger Lugh sans que j’aie à infiltrer le camp adverse. Adam est un allié puissant et je vous aiderai autant que tu me le permettras. Mais se cacher dans la Plaine des mortels n’est qu’une solution temporaire. Tu finiras par mourir.

Je dus avoir l’air choquée, parce que Raphael fit un signe d’apaisement.

— Je veux dire de vieillesse, pas nécessairement par la violence. Lugh peut t’aider à vivre plus longtemps que la normale et en bien meilleure santé qu’une personne n’hébergeant pas de démon, mais le corps humain finit par s’épuiser. C’est un des nombreux points que Dougal et moi avons essayé d’améliorer dans notre programme.

— Ne t’avise pas de…

— Oublie la dernière partie, m’interrompit-il. Ce que j’essaie de te dire, c’est que les démons sont essentiellement des êtres immortels. Une seule vie humaine – même une vie artificiellement rallongée par la présence d’un démon –, c’est relativement court pour nous. Si Dougal décide qu’il perd trop de partisans et qu’il gâche trop d’énergie à détruire Lugh, tout ce qu’il aura à faire, c’est attendre que tu meures afin que Lugh soit obligé de retourner dans le Royaume des démons. Vous… Tu… Je veux dire, Lugh doit élaborer un plan à long terme. Si ce plan ne m’implique pas, je comprendrai.

Peut-être s’attendait-il que je m’empresse de le rassurer car, comme je gardais le silence, il pinça les lèvres et un muscle tressauta sur sa mâchoire.

— C’est tout ? demandai-je. Je peux y aller ?

Les yeux baissés sur ses mains, il acquiesça sèchement.

— Ouais, c’est tout, répondit-il de sa voix la plus neutre.

Je l’avais blessé et une toute petite partie de moi s’en voulut car je ne pouvais m’empêcher de temps à autre de me reconnaître en lui. Je me repris rapidement.

— Si tu veux que j’aie un peu de sympathie pour toi, tu dois cesser de garder mon frère en otage.

Il croisa mon regard et son expression me fit frissonner.

— Est-ce qu’il t’est déjà venu à l’esprit que je te faisais aussi peu confiance que tu me fais confiance ?

— Qu’est-ce que je suis censée comprendre ?

Raphael est capable des regards les plus malveillants qui soient et c’est un de ces coups d’œil auquel j’eus droit en cet instant.

— Tu es une garce vindicative et réactionnaire et si je ne possédais pas Andrew, tu me ferais un certain nombre de choses désagréables… comme me renvoyer au Royaume des démons pour affronter le frère que j’ai trahi. Ce n’est pas une confrontation que j’envisage avec joie.

Je faillis éclater de rire.

— Alors ce que tu essaies de me dire, c’est que c’est ma faute si tu tiens Andy en otage ? Quel ramassis de conneries !

Son visage prit une nuance de rouge qui aurait dû me faire taire. Je ne tins pas compte de cet avertissement, bien sûr.

— Je ne suis pas assez puissante pour t’exorciser et je ne vais pas assassiner ton hôte juste pour prendre ma revanche. C’est toi qui es vindicatif. Tu retiens Andy juste pour me faire du mal. Et peut-être lui faire du mal à lui aussi.

Le feu embrasa de nouveau ses yeux. Raphael tenta brièvement de se contrôler mais l’effort fut de courte durée.

— Voilà ce que je ferais si je voulais te faire du mal, gronda-t-il.

Il se déplaça si vite que je n’eus aucune chance de me protéger. Bondissant de sa place, il parcourut la distance qui nous séparait en un rien de temps et m’immobilisa en serrant mon bras tandis qu’il me frappait au menton. Ma tête fut projetée en arrière sous le choc et mes mâchoires s’entrechoquèrent si fort que je crus m’être cassé une dent.

Je serais tombée s’il ne m’avait pas retenue par le bras. Je ne m’évanouis pas vraiment mais la pièce se mit à tourner autour de moi. La nausée bouillonnait dans mon ventre. Il brandit encore le poing, mais je n’avais aucun moyen de l’éviter. Une seconde, je pensai que ce serait vraiment bien si j’étais capable de laisser Lugh faire surface.

Le second coup de poing ne me toucha pas. Malgré ma vision trouble, je vis Raphael, tête baissée, le poing serré, haletant. J’avais vraiment le chic pour révéler le pire chez les gens.

Il me tenait toujours par le bras même si le sol me semblait plutôt accueillant. J’étais à peu près sûre qu’il ne m’avait pas cassé la mâchoire, mais la nausée et la vision brouillée suggéraient que je souffrais d’une commotion cérébrale. Pourtant, en colère comme il l’était, il avait dû retenir sa force, sinon je serais morte.

Nous restâmes ainsi pendant un moment qui sembla une éternité, ma tête battant au rythme de mon cœur tandis que Raphael rassemblait ses esprits. Quand il y parvint, j’avais à peu près recouvré les miens : mes jambes me soutenaient, mais j’étais affligée d’un sérieux cas de vision double.

— Cela te ferait moins mal si je t’assommais afin que Lugh puisse te soigner, dit Raphael d’une voix douce et contrite.

Les effets secondaires de la commotion ne purent empêcher l’éclat de rire qui m’échappa.

— Merci pour l’offre, répondis-je en butant sur chaque mot.

Je pris conscience que je m’étais mordu l’intérieur de la joue et que ma bouche était pleine de sang. Je crachai sur la moquette de Raphael, mais ma vision était encore trop brouillée pour voir à quel point ça l’énerva.

— Je crois que ça va aller.

— Tu vas pouvoir rentrer chez toi ? demanda-t-il.

Pensait-il vraiment que je n’avais pas remarqué son absence d’excuse malgré son air contrit ?

— Tu peux t’allonger sur le canapé si tu veux. J’irai dans une autre pièce et j’y resterai jusqu’à ce que tu te sentes capable de partir.

La perspective de m’allonger était vraiment attrayante. Tout comme celle de me tirer de cet appartement. Je choisis la seconde option.

— Ce fut un plaisir, dis-je en me dirigeant avec précaution vers la porte.

Raphael ne répondit pas et il valait mieux.

Confiance Aveugle
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